La milliardaire camerounaise s’illustre par ses investissements pluriels, dans son pays et à travers le monde.

KM:Lorsqu’on évoque votre nom au Cameroun, il renvoie immédiatement à la propriétaire du Franco Hôtel à Yaoundé. Cet établissement vous colle tellement à la peau que l’on a envie de savoir si vous avez d’autres activités ?

FP: J’opère dans l’immobilier de façon générale. Je n’ai pas qu’un établissement hôtelier. J’ai aussi un hôtel en Angleterre. J’ai investi dans beaucoup d’autres secteurs. Mais aujourd’hui, ma raison de vivre est de procurer du bonheur aux autres, à travers la construction d’immeubles. C’est mon nouveau challenge.

KM:Vous avez évolué dans plusieurs domaines. Comment ces multiples activités ont contribué à façonner la femme d’affaires que vous êtes aujourd’hui ?

FP: Pour parvenir au niveau où je suis, j’ai été obligée de faire des efforts, dix fois plus qu’un homme. Malgré toutes ces difficultés et contraintes, je suis restée égale à moi-même. Je n’ai jamais baissé les bras. J’ai pu m’en sortir. Et si je devais étaler toutes les peines rencontrées, cela prendrait des milliers de pages de votre magazine. Il faudrait comprendre et garder à l’esprit que la réussite est fondée sur les difficultés. Au lieu d’échouer, il est pire de n’avoir jamais tenté de réussir.

« Au lieu d'échouer, il est pire de n'avoir jamais tenté de réussir »

KM:Comment avez-vous vécu cet épisode douloureux?

FP: Cette douleur a forgé ma détermination à réussir. Un jour, j’ai rencontré une dame, pour qui j’avais beaucoup d’admiration, parce que je voyais et appréciais la volonté avec laquelle elle s’occupait de ses parents. La mère de cette dame était certes malade, mais cette dernière réussissait à régler les ordonnances à l’hôpital et ramenait des provisions de Douala pour sa génitrice. Ces actes m’ont vraiment marqué. Du coup, mon rêve était d’être comme cette dame. Je me demandais, comment faire pour y parvenir. J’ai pu me rapprocher d’elle. Elle m’a fait comprendre qu’elle faisait du commerce entre Douala et Cotonou. Elle achetait des pagnes au Benin, qu’elle revendait au Cameroun. Je lui ai fait la proposition de me donner l’opportunité de vendre une partie de ces pagnes à Bafang où j’étais infirmière. Elle m’a demandé si je pouvais m’en sortir, étant donné que j’avais un boulot rémunéré. Je lui ai fait comprendre qu’on travaille en service de quart et je pouvais mettre mon temps libre à profit, en proposant ces pagnes dans les bureaux et autres marchés. Elle a accepté ma proposition et nous avons conclu qu’elle me paierait 500 FCFA par jour. Une fois le contrat conclu, elle me ramena des pagnes que j’ai commencés à écouler. Tout est parti de cette dame. La vente des pagnes a bien marché à tel point que j’ai démissionnée de mon travail d’infirmière.

KM:Comment avez-vous vécu cet épisode douloureux?

FP: Cette douleur a forgé ma détermination à réussir. Un jour, j’ai rencontré une dame, pour qui j’avais beaucoup d’admiration, parce que je voyais et appréciais la volonté avec laquelle elle s’occupait de ses parents. La mère de cette dame était certes malade, mais cette dernière réussissait à régler les ordonnances à l’hôpital et ramenait des provisions de Douala pour sa génitrice. Ces actes m’ont vraiment marqué. Du coup, mon rêve était d’être comme cette dame. Je me demandais, comment faire pour y parvenir. J’ai pu me rapprocher d’elle. Elle m’a fait comprendre qu’elle faisait du commerce entre Douala et Cotonou. Elle achetait des pagnes au Benin, qu’elle revendait au Cameroun. Je lui ai fait la proposition de me donner l’opportunité de vendre une partie de ces pagnes à Bafang où j’étais infirmière. Elle m’a demandé si je pouvais m’en sortir, étant donné que j’avais un boulot rémunéré. Je lui ai fait comprendre qu’on travaille en service de quart et je pouvais mettre mon temps libre à profit, en proposant ces pagnes dans les bureaux et autres marchés. Elle a accepté ma proposition et nous avons conclu qu’elle me paierait 500 FCFA par jour. Une fois le contrat conclu, elle me ramena des pagnes que j’ai commencés à écouler. Tout est parti de cette dame. La vente des pagnes a bien marché à tel point que j’ai démissionnée de mon travail d’infirmière.

KM:En ce moment-là, êtes-vous consciente que vous preniez un risque en démissionnant ?

FP: Mon rêve était désormais de faire la ligne de Cotonou. J’étais déterminée et résolue à faire des économies en mobilisant la somme de 80.000 FCFA pour prendre la route de Cotonou. Ne possédant aucun document d’entrée au Bénin, j’ai opté pour un voyage clandestin. Pendant que les gens vont aujourd’hui en Europe de façon clandestine, j’ai décidé d’aller en aventure, mais sur le continent africain. Première escale: le Nigeria. J’ai pu traverser la frontière à pied. À chaque fois, il y avait des personnes de bonne volonté sur mon chemin, toujours promptes à m’aider sans rien demander en retour, comme c’est malheureusement le cas aujourd’hui. À Cotonou, j’ai sympathisé avec d’autres commerçantes, qui m’ont d’abord emmené à Lomé au Togo puis à Ouagadougou au Burkina-Faso, où nous achetions des chaussures pour revendre sur le marché. J’ai pu mobiliser 400.000 F.CFA. Dans la foulée, il me fallait réaliser le même exploit que mon mentor. Je suis donc rentrée au pays avec des provisions pour mes parents et mes enfants, alors que tout le monde me croyait déjà morte. C’était la fête ! J’ai ramené des boîtes de sardine, du riz, de la viande et des bouteilles de jus (Grenadine). Ces produits étaient un véritable luxe à l’époque.

« J’ai été injustement emprisonnée à Douala, durant 13 mois »

KM:De toutes ces péripéties quels sont les moments qui vous ont le plus affecté ?

FP: Lorsque le Roi m’a répudié, j’ai mal vécu cette période. Issue d’une famille modeste, je n’avais pas de moyens pour me prendre en charge. Le deuxième moment, c’est lorsque j’ai été injustement emprisonnée à Douala, durant 13 mois. J’étais mal dans ma chair au point où j’ai failli me suicider à maintes reprises. Mais tout cela est désormais derrière moi.

KM:Devenue milliardaire, vous vous levez toujours aussi tôt ?

FP: Évidemment! Je saute toujours de mon lit à partir de 5h30 du matin. Je fais une prière, du sport et j’effectue quelques tâches ménagères. Je lave toujours mon sol moi-même. Malgré mes nombreux employés de maison, je le fais toujours avec joie et en m’amusant.

KM :Parlons à présent de Kadji Defosso…

FP: C’était un dur à cuire. Un homme de principe. Quand j’ai lancé le chantier de construction de l’hôtel Franco en 2004, je suis allée le rencontrer parce que j’avais besoin de soutien. Que son âme repose en paix.

KM:Vous prenez régulièrement en exemple des géants du monde des affaires au Cameroun, notamment, Kadji Defosso, Fotso Victor et Françoise Foning. Quelle a été l’influence de ces personnalités dans votre réussite ?

FP: Madame Foning en particulier a été une source d’inspiration et de motivation pour moi. Cette femme m’a énormément inspiré. Je me suis rendue à son domicile de Bépanda à Douala pour m’abreuver à la source de son expérience. Elle m’a reçu tout en promettant de me tenir par la main. J’ai passé la nuit chez elle, puisqu’il se faisait tard après notre conversation. Tôt le matin, je me suis levée et j’ai fait le ménage. Elle a beaucoup apprécié et depuis ce jour, nous sommes restées mère et fille. Il y a tout à côté de Madame Foning, le Sultan Roi des Bamoun, sa Majesté El Hadj Ibrahim MbomboNjoya, de regrettée mémoire. Il était un père pour moi, un homme extraordinaire. Je partageais toutes mes peines avec ces deux personnes qui sont malheureusement déjà décédées. Quand je parle d’elles, j’ai des larmes aux yeux et je n’en reviens pas toujours qu’elles soient parties de ce monde.

« Je lave toujours mon sol moi-même. Malgré mes nombreux employés de maison »

KM:Qu’en est-il de Victor Fotso ?

FP: Alors que j’étais un jour dans l’avion avec le patriarche, je lui ai demandé le secret de sa réussite. Il a évoqué l’honnêteté. Monsieur Fotso m’a confié qu’il était endetté certes, mais il s’en est sorti grâce à l’honnêteté. Il a ajouté qu’à chaque fois que tu as un engagement avec une banque ou une personne physique, c’est important et sage d’aller vers le créancier, pour lui expliquer que tu es dans l’incapacité de respecter les échéances de paiement. Mais, lorsque tu prends la fuite, tu deviens malhonnête. Il avait l’habitude de me souffler que la malhonnêteté n’a pas de longues jambes.

KM:S’il fallait faire une comparaison entre la pratique du business au Cameroun et dans les autres pays, quel serait votre avis ?

FP: Au Cameroun, les affaires évoluent encore lentement. Le pays enregistre un retard dans le domaine de l’accompagnement des entrepreneurs. Il n’y a pas de place pour les hommes d’affaires. Lors des cérémonies officielles au Boulevard du 20 mai à Yaoundé par exemple, vous verrez difficilement une loge réservée aux capitaines d’industries et entrepreneurs. Pourtant, dans les pays comme le Nigeria, on met les entrepreneurs en avant en leur accordant une place de choix. Tout cela fragilise l’entrepreneuriat.

KM: Quel est le chantier qu’il faudrait engager pour restaurer la place de l’opérateur économique au Cameroun ?

FP: Il faut reconstruire la place de l’entrepreneur au Cameroun. C’est la raison pour laquelle je m’y investis activement, en multipliant des activités. À travers le projet « Un diplômé un champ », ma fondation Mamy Nyanga Cameroon Women Entrepreneurship Network, j’essaie de faire comprendre à la jeunesse que le moteur de l’économie ce n’est pas la Fonction publique, mais l’initiative privée. Si les fonctionnaires apparaissent comme les plus riches, ils ne pourront pas à eux seuls construire le Cameroun, encore moins créer des emplois et la richesse.