« L’Afrique ne m’a Jamais Quitté »

Son parcours est celui d’un miraculé. De nationalité rwandaise, il a survécu à l’un des génocides les plus cruels de l’histoire. La douleur de la guerre, celle de perdre des êtres chers, n’a pas effacé ses objectifs et sa passion pour le journalisme, le métier de son cœur.

KM: Durant votre enfance, vous avez échappé au génocide rwandais de 1994. Votre adolescence, vous la menez sous un statut de réfugié. Qu’est-ce qui vous a fait avancer durant ces épreuves douloureuses ?

RN: Dieu. Je suis chrétien, et je refuse de croire que j’ai survécu à un génocide au Rwanda, à une guerre en République Démocratique du Congo et à une vie d’apatridie au Congo (Brazzaville) puis au Cameroun, tout ça, par une sorte de hasard. Il y a surtout cette voix intérieure qui me murmurait de m’accrocher, de me relever, de poursuivre le chemin, d’avancer. C’est cette voix-là qui m’a donné la force. Et cette voix, j’en suis convaincu, est divine.

KM: Racontez-nous une anecdote de votre parcours professionnel…

RN: Je n’ai jamais eu de CDD (Contrat à durée déterminée, Ndlr). Le premier contrat que j’ai signé, en tant que journaliste, était un CDI (Contrat à durée indéterminée, Ndlr). Et je l’ai signé étant un sans-papiers, un apatride. Mon employeur, Vox Africa, le savait, mais a quand même eu l’indulgence de m’employer pendant trois ans, sans que je n’ai ni carte d’identité, ni passeport. Je n’exagère rien si je dis que Vox Africa m’a professionnellement donné vie.

KM: Un Africain qui se retrouve dans un pays arabe, comment s’est passée votre intégration ?

RN: Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, j’ai eu plus de mal à m’intégrer à Londres qu’à Doha. Je ne me suis jamais senti aussi en sécurité qu’ici au Qatar. Socialement, le pays a ses lois et ses coutumes qu’il faut savoir respecter comme tout le monde qui souhaite y vivre.

KM: Vos prises de position sont très souvent prononcées sur certains sujets. Dites-nous Rémy, avez-vous déjà été inquiété pour vos idées ?

RN: Pas tant que ça. Cela s’explique peut-être par le fait que ce ne sont vraiment pas mes positions, mais des points de vue factuels bien documentés, toujours appuyés ou corroborés par des spécialistes du domaine. Je ne prends pas position. Et j’ai la faiblesse de penser que le messager est inquiété, dès lors qu’il devient plus audible et plus visible que le message.

KM: L’idée d’un retour en Afrique, dans une perspective de partage d’expérience et de savoir- faire, ça vous dit ?

RN: Totalement. Le projet mûrit et ne quittera pas ma pensée. Revenir, parce qu’en fin de compte, c’est là qu’il faut être, tôt ou tard. L’Afrique ne m’a jamais quitté.

KM: Vous êtes considéré comme un journaliste globe-trotter. Est-ce que votre pays, le Rwanda, vous manque ? Pensez-vous y retourner définitivement un jour ?

RN: Le Rwanda me manque, mais j’essaie de lui rendre visite dès que je peux. J’y vais au moins une fois chaque année. J’y étais d’ailleurs en janvier 2023. Je compte y retourner. Le moment venu, je pense que le Rwanda sera effectivement dans mon top 3 des pays où je me verrais bien installer.

“Africa Never Left me”

His journey is one of a miracle. As a Rwandan, he survived one of the most atrocious genocides in history. The pain of war and the loss of loved ones did not extinguish his ambitions or passion for journalism, the profession that resides in his heart.

KM: During your childhood, you managed to escape the Rwandan genocide of 1994. You lived adolescence as a refugee. What propelled you forward despite the agonizing experience?

NR: God. I am a Christian, and I cannot believe that I survived the Rwandan genocide, a war in the Democratic Republic of Congo, and a life of statelessness in Congo (Brazzaville) and then Cameroon, merely by chance. There was always an inner voice that whispered for me to persevere, to rise and to continue moving forward. It is that voice that gave me strength and I am convinced that it was divine.

KM: Share an anecdote from your professional journey…

NR: I never had a fixed-term contract. The first contract I signed as a journalist was an open-ended contract. Remarkably, I signed it as an undocumented and stateless individual. My employer, Vox Africa, was aware of my situation, yet gave me the opportunity to work for three years without an identity card or passport. I am not exaggerating when I say Vox Africa was responsible for the start of my professional journey.

KM: As an African in an Arab country, how was your integration experience?

NR: Surprisingly, I found it more challenging to assimilate in London than in Doha. I have never felt safer than I do living in Qatar. Socially, the country has its laws and customs that everyone must respect if they wish to live there.

KM: Journalists sometimes express their opinions on certain subjects. Have you ever felt concerned about your ideas?

NR: Not particularly. This may be due to the fact that these opinions are not truly mine, but rather well-researched perspectives, supported or corroborated by experts. I do not take a personal stance. I believe that the messenger becomes concerned when they become more prominent and visible than the message itself.

KM: Have you thought of returning to Africa to share your experiences and expertise?

NR: Absolutely. The project is in the pipeline and remains a constant thought in my mind. Ultimately, returning is necessary, sooner or later. Africa has never left me.

KM: You are considered a globe-trotting journalist. Do you miss your country Rwanda? Do you consider settling there some day?

NR: I do miss Rwanda; however, I try to visit whenever possible. I go back at least once every year. I was there in January 2023, and I plan to return. When the time comes, I believe that Rwanda will indeed be among my top three choices for settling down.